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LES ÉLÉMENTS DE RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS RÉPONDANT A UNE LOGIQUE CONVENTIONNELLE

Certains éléments de rémunération sont fixés suivant une logique contractuelle.

Cela signifie que l’attribution de certains éléments nécessite l’accord des associés et l’approbation de l’assemblée générale.

Les conventions réglementées sont soumises à une procédure de contrôle spécifique par les associés qui est destinée à leur permettre de s’assurer que le dirigeant n’a pas profité de sa situation pour s’octroyer des avantages exorbitants préjudiciables à la société.

A travers l’application de cette procédure, c’est en réalité un pouvoir d’approbation qui est conférée à l’assemblée générale des actionnaires.

En effet, les conventions approuvées par l’assemblée, comme celle qu’elle désapprouve, produisent leurs effets à l’égard des tiers, sauf lorsqu’elles sont annulées en cas de fraude.

Cependant, même en cas de fraude, les conséquences préjudiciables pour la société des conventions désapprouvées peuvent être mises à la charge de l’intéressé et éventuellement des autres membres de l’organe hiérarchique les ayant décidées.

En principe, dans les SARL et les SAS, les conventions réglementées font l’objet d’un rapport à l’assemblée et donc d’un contrôle a posteriori dans la majorité des cas.

Dans les sociétés anonymes, la procédure est stricte.

Elle est prévue par les articles L 228-38, L 225-40, L 225-86 et L 225-88 du Code de commerce et organisée en 5 phases qui sont les suivantes :

Information du conseil d’administration ou de surveillance ;

autorisation donnée par le conseil ;

avis au commissaire aux comptes des conventions autorisées ;

apport spécial des commissaires aux comptes ;

consultation de l’assemblée générale.

Il est à noter que l’autorisation préalable par le conseil d’administration ou de surveillance est prévue à peine de nullité.

S’agissant des éléments de rémunération soumis à la procédure des conventions réglementées, il s’agira pour l’assemblée d’approuver ou non les éléments de rémunération qui lui sont soumis. (I)

Pour quelques éléments spécifiques, il appartiendra à l’assemblée d’intervenir véritablement dans la procédure de fixation de tel ou tel élément de la rémunération des dirigeants sociaux. (II)

I.Les éléments devant être soumis au principe de la procédure des conventions règlementées.

A. Rémunérations exceptionnelles des administrateurs dans les sociétés anonymes.

L’article L 225-46 du Code de commerce édicte qu’« il peut être alloué, par le conseil d’administration, des rémunérations exceptionnelles pour les missions ou mandats confiés à des administrateurs. Dans ce cas, ces rémunérations, portées aux charges d’exploitation sont soumises aux dispositions des articles L. 225-38 à L. 225-42. »

Ces rémunérations sont en principe liées à la réalisation d’une opération exceptionnelle ou d’un résultat particulièrement important, conceptuellement elles sont ainsi liées à la notion de performance.

Il convient toutefois de veiller à ce qu’elles ne fassent pas double emploi avec la rémunération variable.

Ainsi, l’évènement qui est rémunéré ne doit pas être déjà prévu dans les critères d’attribution d’un autre type de rémunération, comme ceux de la rémunération variable, mais doit être nouveau et imprévu au moment où les critères ont été fixés.

B. Le cumul des fonctions avec un contrat de travail.

Les conditions communes à chaque société.

Le cumul d’un contrat de travail avec un mandat social est autorisé, s’il existe un lien de subordination et que les fonctions soient nettement distinguées.

L’appréciation du lien de subordination relève des juges en fonction de la soumission du dirigeant à des instructions, des comptes rendus d’activité, du contrôle des horaires de travail, des retenues sur salaire en cas d’absence injustifiée, ou la mise en œuvre du droit disciplinaire à son encontre.

Le lien de subordination peut s’apprécier soit à l’égard d’une personne physique, soit à l’égard de la société en tant que personne morale par le biais de ses actionnaires.

S’agissant de l’existence de fonctions salariées distinctes du mandat social il faut préciser que les fonctions du salarié doivent être bien séparées de celle de la gestion de la société.

Concrètement, les juges recherchent si le salarié exerce des fonctions techniques distinctes de celles de gérant, Président, Directeur général.

Les conditions propres à chaque type de sociétés.

Dans les SARL.

Seuls les gérants minoritaires ou les cogérants égalitaires peuvent cumuler leurs mandats sociaux avec un contrat de travail.

Ainsi, la jurisprudence annule le contrat de travail du gérant qui possède la majorité du capital social de la SARL, le lien de subordination faisant défaut.

L’approbation du contrat en assemblée est recommandée en application de l’article L 223-19 du Code de commerce, qui prévoit une validation a posteriori des conventions entre la société et le gérant intervenues dans l’année.

A défaut, la convention n’est pas nulle, mais le gérant doit en supporter personnellement les éventuelles conséquences préjudiciables pour la société.

Dans les SAS.

Il n’existe aucune règlementation interdisant au Président, Président directeur général, ou Directeur général d’une SAS de cumuler son mandat avec un contrat de travail, à moins qu’une clause des statuts ne prévoie le contraire.

Le cumul d’un contrat travail avec un mandat social est donc possible à condition que le dirigeant soit non associé ou dirigeant associé minoritaire ou égalitaire. En outre les conditions habituelles doivent être remplies.

Le dirigeant associé majoritaire ne peut pas être titulaire d’un contrat de travail si les statuts lui confèrent une large autonomie dans l’exercice de ses fonctions, puisque du jour de sa nomination comme dirigeant, il cesse de se trouver dans un état de subordination.

Dans les SCA.

Si le gérant est en même temps associé commandité, il a la qualité de commerçant et ne peut être salarié, les deux étant incompatibles.

Dans le cas où le gérant n’est pas associé commandité, il n’existe aucune interdiction légale l’empêchant de cumuler son mandat social et un contrat de travail, à condition bien entendu de respecter les conditions générales du cumul.

Le contrat de travail peut être conclu aussi bien préalablement que postérieurement au mandat social, cependant dans le second cas, le contrat devra être soumis à la procédure des conventions règlementées ; de même si le contrat est conclu préalablement au mandat social, toute modification postérieure à sa nomination, devra être soumise à ladite convention.

Dans les SA.

Les mandats de Président ou membre du Conseil d’administration, Président ou membre du directoire, Président ou membre du Conseil de surveillance ou de Directeur général ne sont pas incompatibles avec des fonctions de salarié, à condition que le contrat de travail soit postérieur au mandat social.

Si le salarié est membre du Conseil d’administration, le contrat de travail doit être antérieur à son accession au poste d’administrateur.

Si le salarié est membre du directoire, aucune condition d’antériorité du contrat de travail par rapport à sa nomination n’est exigée.

Toutefois, il est important de souligner qu’un contrat de travail entre une société et un membre du directoire fait partie des conventions réglementées soumises à l’autorisation préalable du conseil de surveillance et à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires.

Dans tous les cas il est à noter que l’autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance est nécessaire, sous peine de nullité.

Les conditions du cumul d’un contrat travail avec un mandat de dirigeant de société ne sont donc pas liées aux performances de l’entreprise.

Cependant, les conditions de fond et de forme protègent l’intérêt de la société contre d’éventuels abus de la part de dirigeants peu scrupuleux et le contrat doit toujours correspondre à un travail effectif.

C. Les rémunérations différées dans les sociétés anonymes cotées.

Nous avons vu que dans les sociétés anonymes non cotées, les pensions et indemnités dues en raison de la cessation des fonctions du dirigeant n’étaient pas soumises à la procédure des conventions règlementées, lorsque ces éléments s’analysent comme des compléments de rémunérations.

Il en va autrement dans les sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé.

En effet, les articles L 225-42-1 et L 225-90-1 du Code de commerce disposent que les rémunérations différées sont obligatoirement soumises aux dispositions des articles L 225-38 et L 225-40 à L 225-42, excluant nécessairement la qualification de conventions courantes conclues à des conditions normales au sens des articles L 225-39 et L 225-87 du Code de commerce.

Selon l’article L 225-42-1 alinéa 1 du Code de commerce les rémunérations différées des dirigeants sociaux correspondent à « des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci, ou des engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale… ».

Elles comprennent ainsi les primes de bienvenue (Golden Hello, Signing bonus, Welcome parachutes) dont le versement s’est développé en pratique ces dernières années, les indemnités de départ (Golden parachutes) et les retraites dites chapeaux.

1. Les primes de bienvenue.

La pratique a développé l’octroi de primes de bienvenue à des bénéficiaires amenés à exercer des fonctions de direction dans la société qui les avait versées ou dans une société du groupe auquel cette dernière appartenait.

Elles ne sont pas nécessairement versées en numéraire, mais peuvent également prendre la forme de l’octroi de titres de la société ou d’une société du groupe auquel elle appartient ou d’option de souscription à ces titres.

L’octroi de telles primes, s’il est toujours motivé par la volonté d’une contrepartie à la prise de fonction du mandataire social, tout en limitant le montant de la rémunération fixe convenue, peut avoir deux origines distinctes selon que le bénéficiaire est un salarié de la société ou d’une société du groupe auquel elle appartient ou le dirigeant d’une autre société dont le transfert est envisagé.

Lorsque le dirigeant est recruté alors qu’il exerce des fonctions dans une autre société, la prime de bienvenue s’explique par la volonté de l’attirer et fait partie de la négociation initiale.

Ces primes de bienvenue, en raison de la diversité de causes pouvant engendrer leur octroi, mais également de la pluralité de formes qu’elles peuvent recouvrir, rendent difficile leur appréhension, notamment quant à leur nature juridique et au régime légal qui doit leur être appliqué.

Nature et qualification juridique des primes de bienvenue.

Les primes de bienvenue pourraient, tout d’abord, être considérées comme une rémunération ou plus exactement un acompte sur la rémunération.

Toutefois, la prime de bienvenue n’est pas versée en contrepartie d’une prestation fournie à la société et n’est pas non plus déduite de la rémunération en cours de mandat. (Ce qui constitue par ailleurs un emprunt auprès de la société, prohibé en vertu des dispositions des articles L 225-43 et L 225-91 du Code de commerce, sauf pour les personnes morales).

De plus, le versement de cette prime intervient, en général, concomitamment à la prise des fonctions, mais surtout ne constitue pas la contrepartie de l’exécution des prestations du mandataire social, mais plutôt celle de la conclusion même du mandat social.

Certains auteurs ont également rapproché les primes de bienvenue de la notion d’arrhes définie par le Code civil.

En effet, si cette notion est en principe attachée à la vente par les dispositions du Code civil, son champ d’application pourrait être élargi.

Le Code de la consommation l’appréhendant notamment dans le cadre des relations contractuelles ayant pour objet une prestation de services.

Ces mêmes auteurs rejettent toutefois la possibilité de qualifier ces primes d’arrhes puisqu’ils octroient une faculté de dédit et sont versés que le contrat soit exécuté ou non.

Or, les primes de bienvenue ne sont pas versées si le bénéficiaire ne prend pas ses fonctions de mandataire social.

Une autre solution envisageait le versement de ces primes comme un « droit d’entrée », consistant dans le versement d’une somme par l’un des cocontractants incitant l’autre à entrer en relation contractuelle, la contrepartie du droit d’entrée étant similaire à celle de la prime de bienvenue.

Cette analyse doit cependant être rejetée ? en ce que « l’accueilli » est débiteur du droit d’entrée alors que « l’accueillant » serait débiteur de la prime de bienvenue ; ce qui distingue définitivement les deux notions.

La doctrine s’est alors tournée vers la notion d’indemnité, thèse validée par le droit souple, puisque l’article 23.2.5 du code AFEP-MEDEF choisit le terme « d’indemnités de prises de fonctions ».

En effet, la prime peut constituer une compensation des pertes subies du fait de sa prise de fonction de dirigeant, que ce soit la perte du statut protecteur de salarié ou celle des avantages que le bénéficiaire tenait de ses fonctions au sein d’une autre société.

La démission de ses fonctions de mandataire de la société au sein de laquelle il exerçait avant sa nomination en tant que dirigeant, pourrait aussi entraîner la déchéance de son droit à l’octroi de la prime de départ à laquelle il pouvait prétendre.

La prime de bienvenue pourra compenser, en pratique, cette impossibilité pour le bénéficiaire d’obtenir un « parachute doré ».

Cette pratique pourrait néanmoins constituer une fraude dans l’hypothèse où le bénéficiaire a mis fin volontairement à son mandat et plus encore, dans celle où le bénéficiaire n’aurait pas satisfait aux critères de performances auxquels l’octroi de la prime de départ est subordonné.

Les difficultés liées à l’absence de réglementation sur les primes de bienvenue.

Aucune réglementation n’appréhende les primes de bienvenue de manière formelle. Cet état de fait provient notamment de la difficulté à qualifier ces primes juridiquement.

Cette difficulté est aussi renforcée par l’opacité qui entoure le versement de telles primes, ainsi qu’en atteste le rapport 2011 de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) sur le gouvernement d’entreprise, qui fait mention des indemnités de départ versées aux dirigeants[1] mais ne traite pas des primes de bienvenue versées lors de leur prise de fonctions.

Ainsi, les primes de bienvenue ne constituent pas des éléments de rémunération et leur qualification en indemnités, en ce qu’elles compensent la renonciation de leur bénéficiaire à certains avantages qu’il possédait en vertu de son ancien statut ou précédent mandat, est elle-même discutée.

Elles pourraient au mieux être considérées comme des « avantages », au sens large, dus à raison du changement de fonctions du bénéficiaire.

La licéité de ces primes semble avoir été admise par le législateur puisque l’article L 225-102-1 du Code de commerce impose aux sociétés cotées et à leurs filiales de rendre compte dans leur rapport annuel des :

« Engagements de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci ».

Néanmoins, le droit français est silencieux sur le régime que doivent suivre ces primes de bienvenue.

A ce titre, il serait prudent de suivre la procédure liée à ces avantages visés à l’article L 225-42-1, si la société est cotée, dans l’hypothèse où le versement d’une prime de bienvenue serait envisagé.

Toutefois, l’article L 225-42-1 alinéa 2 du Code de commerce dispose que :

« Sont interdits les éléments de rémunération, indemnités, avantages et droits conditionnels octroyés au président, au directeur général ou aux directeurs généraux délégués au titre d’engagements de retraite mentionnés au premier alinéa du présent article dont le bénéfice n’est pas subordonné au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de la société dont il préside le conseil d’administration ou exerce la direction générale ou la direction générale déléguée.».

Cette prime ne peut prendre en compte la performance de son bénéficiaire, puisque par essence, il n’a pas encore pris ses fonctions au sein de la société.

Plus encore, dans l’hypothèse où la prime de bienvenue constituerait uniquement la contrepartie de la conclusion du mandat social, les conditions de performance deviennent de facto inapplicables.

Selon ces dispositions, l’octroi d’une prime de bienvenue serait alors interdit.

Toutefois, aucune décision jurisprudentielle ne semble, à ce jour, avoir sanctionné l’existence même d’une prime de bienvenue dans les sociétés anonymes cotées.

La procédure des conventions réglementées devra néanmoins être suivie, dans l’hypothèse où le versement de ces primes intervient postérieurement à la décision de nomination à ses fonctions du dirigeant.

Par ailleurs, si le versement de la prime du dirigeant apparaissait comme indû, un tribunal pourrait prononcer une condamnation sur le fondement du délit d’abus de biens sociaux, la jurisprudence ayant déjà recouru à cette notion dans le cas où une rémunération ne correspondait à « aucune activité effective » ou si elle est considérée comme excessive au regard de la capacité de la société.

2. Les parachutes dorés.

Ces indemnités font partis de ces éléments dont la presse s’empare et auxquels le législateur réagit, à chaud, sans nécessairement que la réflexion ait été menée à terme.

L’octroi d’indemnités substantielles de départs les « golden parachutes », à certains dirigeants, exprime la volonté de compenser leur statut précaire, en l’absence de contrat de travail les liant à la société et du principe, peu confortable, de révocabilité ad nutum.

C’est ce que considère la majorité de la doctrine[2], tandis que certains auteurs les considèrent comme une sorte de prime.

D’autres encore estiment toutefois qu’elles constituent un complément de rémunération, lorsque ces indemnités sont prévues par les statuts ou lors de la nomination du mandataire social.

Les parachutes dorés ne doivent être octroyés que dans l’hypothèse où il est mis fin aux fonctions d’un dirigeant et non lorsque son mandat prend fin sur sa seule initiative.

En effet, ils doivent intervenir lorsque la cessation du mandat intervient de manière imprévisible et non lors d’une démission du dirigeant, d’une volonté de faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée ou d’une prise de fonctions dans une autre société du groupe auquel la société appartient.

Le Code de gouvernance AFEP-MEDEF limite même le versement de ces parachutes à deux hypothèses : en cas de départ contraint et lié à un changement de contrôle et/ou en cas de changement de stratégie de la société. Si ces recommandations s’appliquent seulement aux sociétés cotées, leur extension aux autres ne peut non plus être écartée, voire même appliquées par la jurisprudence, devant le vide législatif.

Dans tous les cas, les parachutes dorés ne doivent pas faire obstacle au principe de révocabilité ad nutum et s’articuler avec les autres indemnités qui pourraient être dues lors de la fin des fonctions du mandataire social, notamment en présence d’une clause de non-concurrence ou d’un contrat de travail liant le dirigeant la société.

Compatibilité des parachutes dorés avec le principe de révocabilité ad nutum.

L’octroi d’indemnités de départ fait l’objet d’une validation par une jurisprudence constante des lors qu’elle ne fait pas obstacle au principe de libre révocation du dirigeant. [3]

En effet, ce principe a un caractère d’ordre public et l’indemnité de départ ne doit pas avoir pour objet et/ou pour effet de restreindre le droit de révoquer à tout moment le dirigeant.

Ce qui sera le cas dans l’hypothèse où l’indemnisation du dirigeant aurait des conséquences financières telles sur la société que l’organe social appelé à statuer sur cette décision hésiterait à l’adopter pour cette raison.

Après avoir retenu le principe selon lequel la somme à verser doit être « sans influence réelle sur la décision de révocation », la jurisprudence a opéré un glissement vers la notion d’absence de « charge excessive » pour la société[4], passant d’un critère subjectif  à un autre plus économique.

L’appréciation du caractère excessif de la charge induite par le versement d’indemnités devra se faire au cas par cas, en fonction de la situation de la société au moment dudit versement.

Cela qui va engendrer des difficultés, dans l’hypothèse où les indemnités de départ étaient prévues bien avant la fin des fonctions du dirigeant. Il faut également que ces indemnités aient un caractère aléatoire, en raison notamment pour les sociétés cotées, des critères de performance visée à l’article L 225-42-1 alinéa 2 du Code de commerce.

En ce sens, l’engagement pris envers un dirigeant de lui verser une indemnité égale au montant global des rémunérations que ce dernier aurait dû percevoir jusqu’à une date convenue pourra faire obstacle au principe de révocabilité ad nutum.[5]

En conséquence, la plupart des Codes de gouvernance[6], recommandent de limiter l’indemnité de départ du dirigeant à deux ans de rémunération (fixe et variable), hors stock-options et autres types de rémunération, sauf à ce que la rémunération du dirigeant soit notoirement déconnectée du marché[7], ce qui serait le cas notamment des jeunes entreprises.

En outre, dans l’hypothèse où le bénéficiaire aurait dirigé la société depuis moins de deux ans, le montant de l’indemnité devra être fixé au prorata de son « temps de présence », étant précisé que doit être pris en compte le seul temps de présence au sein de la société en qualité de dirigeant.

La nécessaire articulation avec les autres indemnités qui pourraient être dues au dirigeant.

Selon les Codes de gouvernance, cette limite de deux ans de rémunération doit comprendre les sommes versées à titre de contrepartie dans le cadre d’un engagement de non-concurrence du dirigeant.

Il convient de noter que l’engagement de non débauchage n’est pas inclus dans cette limite.

Cet engagement est défini à l’article L 225-42-1 alinéa 6 du Code de commerce comme l’interdiction pour le bénéficiaire « après la cessation de ses fonctions dans la société » de « l’exercice d’une activité professionnelle concurrente portante atteinte aux intérêts de la société » et doit, en principe, répondre aux critères traditionnels de limitation dans l’objet, dans le temps et dans l’espace, en fonction des intérêts de la société à protéger.

En général, la limitation temporelle est fixée à deux ans, elle peut toutefois, dans certains cas spécifiques être fixée pour une durée supérieure.

Par ailleurs, la question se pose de savoir si les indemnités contractuelles prévues par un contrat de travail liant éventuellement le dirigeant à la société ou à une société du groupe auquel ce dernier appartient, notamment lorsque le dirigeant d’une filiale est lié par un contrat de travail à sa société mère, doivent être incluses dans cette limitation d’indemnités de départ à deux ans de rémunération.

En l’état actuel de la législation et de la jurisprudence, le cumul des indemnités de départ dues au titre du mandat social et celles, qu’elles soient de nature légale ou contractuelle, dues au titre du contrat de travail, n’est pas prohibé.

Par conséquent, il semble que la limitation à deux années de rémunération ne s’applique qu’aux indemnités dues au titre de la rupture du mandat social ; auxquelles s’ajouteront, le cas échéant, les indemnités dues au titre de la rupture du contrat de travail.

Les indemnités contractuelles dues au titre du contrat de travail pourront néanmoins faire l’objet d’une remise en cause si elles présentent un caractère manifestement excessif ou dérisoire.

Elles sont en effet assimilées à une clause pénale par la jurisprudence en matière de droit du travail et peuvent être réduites par les Tribunaux.

3. Les retraites « chapeaux ».

Il est fréquent que les sociétés complètent le régime de retraite auquel le dirigeant a droit par une retraite « sur-complémentaire », dite retraite « chapeau », qui constitue un engagement de retraite à prestations définies répondant aux caractéristique des régimes visés à l’article L 137-11 du Code de la sécurité sociale.

Ainsi, la retraite chapeau a un caractère contractuel. Cet engagement a fait l’objet d’une validation par la jurisprudence qui l’analyse comme « un complément de rémunération des services passés ». [8]

Cet engagement peut être fixé dès l’entrée en fonctions du dirigeant ou avant son départ. Il semble exclu que cet engagement puisse être souscrit postérieurement à la fin de son mandat, sauf à ce qu’il soit toujours salarié de la société.

A l’instar des indemnités de départ, cet engagement doit remplir un certain nombre de critères qui ont été posés par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 3 mars 1987 afin de recevoir la qualification de complément de rémunération.

Les critères sont les suivants :

Une condition de causalité : il doit constituer la contrepartie des services particuliers rendus à la société durant la période pendant laquelle le dirigeant a exercé ses fonctions, afin de causer l’engagement.

Une condition de proportionnalité : l’avantage doit être proportionné au dit service.

Une condition de modération : l’avantage ne doit pas constituer une charge excessive pour la société.

Par ailleurs et à l’instar des indemnités de départ, cet engagement de retraite ne doit pas faire obstacle à la révocation AD NUTUM des dirigeants, en faisant peser une charge trop importante sur la société.[9]

Le Code de gouvernance AFEP-MEDEF ajoute un certain nombre de critères à ceux posés par la jurisprudence :

L’avantage doit être pris en compte dans la fixation de la rémunération globale du dirigeant.

L’avantage ne doit pas bénéficier aux seuls mandataires sociaux mais un groupe plus large de bénéficiaires.

Les bénéficiaires doivent justifier de plusieurs années d’ancienneté dans la société, le seuil étant fixé par le conseil d’administration ou le directoire.

L’augmentation des droits potentiels ne doit représenter annuellement qu’un pourcentage limité de la rémunération du bénéficiaire.

La période de référence visée pour le calcul des prestations doit s’étendre sur plusieurs années et la rémunération sur cette période ne doit pas être artificiellement gonflée.

Jusqu’il y a peu, la loi ne soumettait pas dans les sociétés cotées cet élément de rémunération à la condition de performance, même si la jurisprudence induisait l’atteinte de résultats certains pour la société.

L’article 225-42-1 alinéa 2 du Code de commerce, révisé depuis la loi MACRON, subordonne désormais, l’octroi des engagements de retraite pris par une société cotée au bénéfice d’un salarié qui est nommé président, directeur général, directeur général délégué, membre du directoire ou directeur général unique, au régime des conventions réglementées et au respect de conditions de performance du bénéficiaire.

Le Conseil d’administration ou de surveillance doit vérifier chaque année le respect desdites conditions et détermine l’augmentation des droits conditionnels, dans la limite d’un plafond de 3 % de la rémunération annuelle servant de référence au calcul de la rente versée.

4. Conditions communes de performance pour les indemnités, avantages, droits conditionnels et retraites octroyés aux dirigeants dans les sociétés cotées.

Ces éléments de rémunération sont interdits lorsque leur bénéfice n’est pas subordonné au respect des conditions de performance du dirigeant bénéficiaire, appréciées au regard de celles de la société.

Les décisions octroyant des rémunérations qui ne satisfont pas à ces conditions sont nulles par application de l’article L 235-1 alinéa 2, qui prévoit la nullité des actes contraires aux règles impératives du Code de commerce sur les sociétés commerciales.

La loi ne le précise pas, mais les conditions de performance doivent être fixées par le conseil d’administration ou de surveillance.

En principe, elles devraient s’apprécier sur toute la durée des fonctions du dirigeant auquel elles s’appliquent ; en conséquence, elles doivent être fixées au moment même de la nomination de celui-ci.

Pour ces éléments de rémunération, on parle de conventions « supers réglementées ».

Outre le respect de la procédure « classique », il faut respecter les particularités suivantes.

D’abord, l’autorisation par le conseil d’administration ou de surveillance doit être publiée sur le site Internet de la société dans un délai maximal de cinq jours suivant la réunion du conseil qu’il a adopté.

Elle doit pouvoir être consultée pendant toute la durée des fonctions du dirigeant selon les dispositions des articles R 225-34-1 alinéa 1 et R 225-60-1 alinéa 1.

Ensuite, la soumission de ses engagements à l’approbation de l’assemblée générale, doit faire l’objet d’une résolution spécifique pour chaque bénéficiaire.

L’approbation est requise à chaque renouvellement du mandat du dirigeant concerné, selon les dispositions des articles L 225-42-1 alinéa 4 et L 225-90-1 alinéa 4.

Le cinquième alinéa des articles suscités précise qu’aucun versement ne pas avoir lieu avant que le conseil ne constate au moment où après la cessation des fonctions le respect des conditions prévues et que tout versement fait en violation de ces dispositions est nul de plein droit.

La question des conditions de performance est centrale pour la détermination et le paiement de ces éléments de rémunération.

Que faut-il penser de la formulation sibylline de l’article L 225-42-1 alinéa 2 « performances du bénéficiaire appréciées au regard de celles de la société » ?

La volonté du législateur est de mesurer les résultats effectifs du dirigeant évincé, mais l’application en est bien plus délicate ; les résultats d’une entreprise sont bien souvent l’œuvre d’une équipe.

Quoi qu’il en soit, pour satisfaire aux termes de la loi, la décision du conseil qui statue sur le paiement de ces rémunérations différées doit être aussi peu discrétionnaire que possible car le conseil « constate » et non pas décide.

L’article L 225-42-1 alinéa 5 précise en effet qu’ « Aucun versement, de quelque nature que ce soit, ne peut intervenir avant que le conseil d’administration ne constate, lors ou après la cessation ou le changement effectif des fonctions, le respect des conditions prévues ».

Ce qui signifie que les conditions de performance retenues sont à la fois objectives et mesurables.

Il est à noter que si le conseil souhaite conserver une certaine appréciation en cas d’atteinte partielle des performances définies et publiées à l’avance, il devra l’avoir défini lors de sa décision initiale en fixant les paramètres et les seuils.

On cite très souvent comme indicateurs de performance les cours de bourse.

Cependant n’est-ce pas confondre l’intérêt social et l’intérêt des actionnaires ?

Les acteurs du secteur financier ont dégagé pour les opérations de LBO de multiples critères souvent faciles à constater comme les principaux ratios financiers ou les indicateurs de résultats.

S’agissant de l’attribution et du calcul de la part variable de la rémunération des dirigeants, l’autorité des marchés financiers a relevé l’utilisation de critères qualitatifs (mise en œuvre de la stratégie du groupe, qualité du management, RSE…) et des critères quantitatifs (taux de rentabilité, indicateurs financiers, évolution des agrégats du compte de résultats, comparaisons d’indices boursiers, comparaison d’un échantillon de sociétés comparables).

Le conseil pourra largement s’inspirer de tels critères pour définir la condition de performance du dirigeant.

II. L’intervention résiduelle de l’assemblée des actionnaires dans les sociétés par actions.

L’attribution de rémunérations spécifiques impose l’intervention de l’assemblée générale des actionnaires : l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions, d’actions gratuites ainsi que de bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE).

A. Options de souscription ou d’achat d’actions.

Les dirigeants sociaux font partie des personnes auxquelles le conseil peut attribuer des options d’achat ou de souscription d’actions, dans les conditions fixées par les articles L 225-177 à L 225-186-1 du Code de commerce.

Ainsi, le président du conseil d’administration, directeur général, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire ou le gérant d’une société par actions ainsi que le président d’une société par actions simplifiées, s’ils ne détiennent pas plus de 10 % du capital, peuvent bénéficier d’un droit de souscrire, à un prix déterminé, des actions de la société dans laquelle ils exercent leurs fonctions, sans que le nombre total des options consenties ne puisse donner droit à souscrire un nombre d’actions excédant le tiers du capital.

Ces dirigeants peuvent également se voir attribuer des options portant sur des actions émises par une société liée, si ces actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé.

La mise en place d’un plan de stock-options relève de la compétence du conseil d’administration agissant sur autorisation préalable de l’assemblée générale extraordinaire, (sur rapport du conseil ou du directoire et sur rapport spécial des commissaires aux comptes) qui reste exclusivement compétente pour déterminer le cadre de ce plan.

A cet égard, la procédure est considérée comme étant au moins aussi stricte que celles des conventions réglementées.

Le prix de souscription doit être fixé au jour où l’option est consentie par le conseil, selon des modalités déterminées par l’assemblée générale autorisant l’émission des options.

Si les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le prix de souscription ne peut pas être inférieur à 80 % de la moyenne des cours cotés aux 20 séances de bourse précédant le jour ou l’option est consentie.

Dans les autres sociétés, l’article L 225-177 alinéa 4 du Code de commerce requiert que le prix de souscription soit déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière d’évaluation d’actions ou, à défaut, en divisant le nombre de titres existants par le montant de l’actif net réévalué, calculé d’après le bilan le plus récent.

Le prix de souscription ne pouvant être modifié pour la durée de l’option, les dirigeants ne peuvent réaliser un gain lors de la vente des actions souscrites résultant de la différence entre le prix initial de souscription et le prix de cession.

Toutefois, en réponse aux critiques suscitées par une revente souvent immédiate des actions issues de l’exercice de stock-options après la levée des options, la loi du 30 décembre 2006 « relative au développement de la participation » à modifiée l’article L 225-185 du Code de commerce, afin d’encadrer l’exercice des stock-options par les dirigeants sociaux.

Le texte impose an conseil, soit d’interdire aux dirigeants la levée de leur option d’actions avant la fin de leur mandat, soit de fixer la quantité d’actions résultant de la levée de l’option qu’ils sont tenus de conserver au nominatif pendant la durée de leur mandat.

Ces dispositions visent toute société qui consent des options, que ces titres soient ou non admis aux négociations sur un marché réglementé.

B. Attribution gratuite d’actions.

L’article L225-197-1 II du Code de commerce permet aux dirigeants sociaux de sociétés par actions, dans les mêmes conditions que les salariés, de se voir attribuer des actions gratuite de la société.

L’assemblée générale extraordinaire est également compétente pour autoriser une attribution gratuite d’actions existantes.

Elle fixe aussi les conditions du plan d’attribution.

L’article L 225-197-1 I in fine du Code de commerce précise que le Conseil d’administration ou le directoire sera compétent « pour déterminer l’identité des bénéficiaires des attributions d’actions…. Il fixe les conditions et, le cas échéant, les critères d’attribution des actions ».

Il lui revient donc de déterminer les conditions de performance permettant leur attribution.

[1] Paragraphe 4.2 du rapport AMF 2011.

[2] P.BILGER, pour ou contre les parachutes dorés, dossier la rémunération des dirigeants. Journal des sociétés, décembre 2007, n° 49, P. 38.

[3] Cass. Com 26.05.04 Bull. Joly sociétés 2004, § 279.

[4] F. François, E. de Frondeville, A. MARLANGE in Dirigeant de société, 2d. DELMAS 2009-2010, n°52. 16 citant Cass. Com 07.02.89. Rev Sociétés 1989.

[5] Cass. Com. 02.06.92, JCP E 1993 215, obs. A. VIANDIER.

[6] Afep-medef Avril 2010 clause 20.2.4, recommandations sur le gouvernement d’entreprise AFG, janvier 2012, art. 5.

[7] Code de gouvernement d’entreprise pour les valeurs moyennes et petites MIDDLENEXT décembre 2009, § R3

[8] CA PARIS, 24.10.1960, D. 1961.99, note A. DALLANCE.

[9] Cass. Com. 15.07.87 RTD COM 1988. 73